Sous l’effet conjugué du réchauffement climatique et de ses conséquences, de l’acidification des eaux et de l’accroissement de la concentration de CO2 dans l’atmosphère, de nombreuses espèces animales et végétales pourraient voir leur taille diminuer.
Ce n’est pas un scoop: contrairement à l’homme, les animaux et les végétaux s’adaptent, d’ores et déjà, aux conséquences des changements climatiques. Certaines espèces d’oiseaux commencent à modifier leurs destinations de migration. Des poissons tropicaux se rafraîchissent en remontant vers l’Atlantique Nord. Réagissant à l’acidification des eaux marines, des crustacés voient leur taille grandir. Des cultures, comme la vigne, viennent à maturité de plus en plus tôt.
En épluchant la littérature scientifique, deux chercheurs de l’université de Singapour ont tenté de faire le point sur une possible évolution «climatique» des espèces végétales et animales. Publiés dimanche 16 octobre sur le site de Nature Climate Change, leurs résultats sont sidérants.
Pour résumer, la combinaison des principales conséquences du réchauffement climatique (élévation des températures, moindre disponibilité de l’eau, acidification de la mer, accroissement de la concentration du CO2 dans l’atmosphère) aurait tendance à faire rétrécir la taille des plantes et des animaux.
De nombreuses expérimentations, expliquent Jennifer Sheridan et David Bickford, ont permis d’observer une réduction de la taille de mollusques et de coraux vivant dans une eau artificiellement acidifiée.
Dans des serres, dont le chauffage avait été un peu poussé, la biomasse des plantes aériennes et des fruits étaient inférieure de 3 à 17% à celles des mêmes espèces cultivées dans des conditions plus «normales».
Globalement, précisent les deux biologistes, «les études montrent qu’à chaque degré supplémentaire, la taille des corps des invertébrés marins diminue de 0,5 à 4%, celle des poissons de 6 à 22 %, celles des coléoptères de 1 à 3% et de 14% pour les urodèles (les salamandres, ndlr)».
Des observations similaires ont été aussi faites sur les mammifères, les arbres tropicaux, et certains types d’amphibiens (crapauds, grenouilles).
Ces phénomènes ne sont pas véritablement nouveaux. Il y a 55 millions d’années, durant cette période que les scientifiques appellent le «maximum thermique de la transition paléocène-éocène», la température a fortement grimpé en un temps extrêmement court. Conséquence: les paléontologues retrouvent des fossiles de coléoptères, de fourmis, d’araignées ou de guêpes qui ont perdu entre 50 et 75% de leur taille entre le début et la fin de ce violent réchauffement climatique.
Quels sont les mécanismes biologiques d’une telle évolution? Ils sont encore très mal connus. Et tout dépend de ce que l’on étudie.
Les végétaux seront, a priori, satisfaits de pouvoir consommer plus de CO2. Mais leur capacité à absorber plus de gaz carbonique dépend aussi de la disponibilité en eau et des nutriments présents dans le sol. Or, dans de nombreuses régions du globe, la pluie devrait se raréfier, limitant de facto l’appétit des végétaux en carbone. En revanche, ils devront s’adapter à la hausse des températures et à la sécheresse.
Pour les animaux à sang froid (les ectothermes) le niveau de métabolisme est directement dépendant de la température extérieure. En s’en tenant aux dernières projections du Giec[1] (une hausse des températures moyennes allant de 1,1°C à 6,4°C d’ici 2100), David Bickford estime que le niveau de métabolisme des reptiles, par exemple, pourrait s’accroître de 10 à 75%. Or, à moins que ces animaux puissent ingurgiter plus de nourriture (ce qui semble improbable), leur taille devrait se réduire.
Les animaux à sang chaud seront, eux, pénalisés par une réduction des ressources alimentaires disponibles, par un accès plus restreint à de l’eau potable et par la hausse des températures.
L’évolution climatique des espèces peut-elle influer sur l’état de la biodiversité? Probablement, mais les auteurs ne se risquent pas à établir de pronostic. Car, rappellent-ils, nul ne sait encore si les proies rapetisseront au même rythme que leurs prédateurs. Dans le cas contraire, la 6e crise d’extinction, que nous sommes en train de vivre, pourrait être beaucoup plus rapide que prévu.
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